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4 novembre 2019 1 04 /11 /novembre /2019 16:22

 

Dès l'ordonnance du 5 février 1982, a été consacrée l'idée de pouvoir recourir au contrat de travail à durée déterminée pour un « surcroît d'activité exceptionnel ».
L'article L. 1242-2 du code du travail énonce les cas principaux dans lesquels il est possible de recourir au contrat à durée déterminée :
« Sous réserve des dispositions de l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :

1° Remplacement d'un salarié (...) ;

2° Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ;

3° Emplois à caractère saisonnier (...) ;  »

L'accroissement temporaire d'activité de l'entreprise est une notion vague qui peut prêter à interprétation et nous allons tenter d'esquisser les contours qu'en a donné la jurisprudence.
Quelques observations liminaires toutefois.
Tout d'abord, contrat d'exception, « un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise » (article L. 1242-1 du code du travail), la forme « normale et générale de la relation de travail » étant le contrat de travail à durée indéterminée (article L.1221-2 al.1 du code du travail).
Autrement dit, pas de CDD pour un emploi durable dans l'entreprise.
Ensuite, il est utile de distinguer le cas de l'accroissement temporaire d'activité d'une hypothèse voisine et qui est également prévue comme un cas de recours autorisé par la loi pour conclure un CDD, le contrat de saison.
Ce dernier est prévu par la loi comme visant un emploi à caractère (L. no 2016-1088 du 8 août 2016, art. 86)  «saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs » (article L. 1424-2, 3° du code du travail).
La Cour de cassation a ainsi pu juger dans le cas d'une société de glaces qu'il n'y avait pas lieu de considérer que les salariés étaient des travailleurs saisonniers, dès lors que l'activité de glace s'effectuait sur toute l'année et que l'embauche se faisait pour faire face à un accroissement périodique de production (Soc. 17 janv. 2002). Coup du sort pour les salariés qui pouvaient alors prétendre au versement d'indemnités de précarité.
A première vue, les deux motifs n'étant pas les mêmes, il conviendra de ne pas confondre le caractère temporaire dans le temps avec une activité temporaire dans l'année, mais qui est amenée à se répéter régulièrement.
S'il est aisé de distinguer les deux motifs dans la pratique, il faudra faire attention de bien distinguer les deux sur le papier, l'article L. 1242-12 du code du travail exigeant la définition précise du motif dans le contrat, sous peine de requalification en contrat à durée indéterminée (l'omission d'une mention obligatoire entraîne, comme l'absence d'écrit, la requalification : Soc. 19 nov. 1987). 

 

En cas d'embauche pour accroissement temporaire d'activité, il n'est néanmoins pas nécessaire pour que le motif soit valable, que le salarié soit affecté à la réalisation des tâches résultant de ce seul accroissement d'activité.

 

Enfin, c'est sur l'employeur, face à un salarié qui doute du bien-fondé du recrutement, que pèse la charge de la preuve de l'accroissement temporaire d'activité, sous peine, là aussi, de voir le CDD requalifié en contrat de travail à durée indéterminée (Soc. 1er févr. 2000, no 97-44.952).
S'agissant de CDD successifs, c'est l'ensemble de la relation contractuelle qui risque de se voir requalifier en « relation globale à durée indéterminée » depuis le premier jour de l'embauche  (Soc. 21 janv. 2004).

 

Ces remarques effectuées, il devient possible de comprendre les enjeux de l'obligation de connaître les contours de la notion d'accroissement temporaire d'activité. Nous tenterons de voir ce qu'il est (1.), pour ensuite étudier ce qu'il n'est pas (2.), et enfin conclure sur la position jurisprudentielle sur ce qu'est précisément cette notion (3.).

 

1. Cas admis d'accroissement temporaire d'activité
Des pics d'activité ou de production qui se répètent, même à intervalles réguliers, peuvent constituer un surcroît d'activité justifiant le recours au CDD ou à l'intérim (l'accroissement temporaire d'activité peut également ouvrir droit au travail temporaire prévu par l'article L. 1251-6, 2° du code du travail).
Si l'accroissement doit être temporaire, il n'a pas besoin d'être exceptionnel et peut consister en des variations cycliques de production (voir les arrêts de principe, Soc. 21 janvier 2004).
L'accroissement temporaire d'activité est caractérisé dès lors qu'est constatée l'existence, fût-elle liée à l'activité habituelle de l'entreprise et à une production supplémentaire adaptée à une saison, d'un surcroît d'activité pendant la période pour laquelle le contrat à durée déterminée a été conclu (Soc. 25 mars 2015, no 13-27.695).
2. Cas exclus du recours au CDD pour accroissement temporaire d'activité

 

En revanche, le surcroît d'activité entraîné par le rachat d'un magasin dont l'employeur entendait vérifier la rentabilité s'inscrit dans le cadre de l'activité normale et permanente de l'entreprise et n'est pas temporaire; il ne constitue pas un motif légitime de recours au CDD (Soc. 13 janv. 2009).

Si, au moment de l'ouverture de cinq nouveaux magasins, la nouvelle activité d'une société constituait une expérience en sorte que les emplois créés ne constituaient pas des emplois permanents, il n'en était plus de même deux ans après au moment du renouvellement des contrats (Soc. 29 oct. 1996).
L'exécution de commandes de l'entreprise, qu'elles qu'aient pu être les difficultés rencontrées pour en assurer l'exécution n'est pas un accroissement temporaire d'activité (Soc. 1er févr. 2012).
Ne caractérise pas le surcroît d'activité le recours aux contrats à durée déterminée dans une proportion constante ou voisine d'un mois sur l'autre sans révéler de période justifiant le recours à ce type de contrat, l'aléa d'une variation réduite de la clientèle n'étant pas, en outre, constitutif d'un accroissement temporaire d'activité (Soc. 1er févr. 2000, no 98-41.624).

L'organisation régulière d'expositions temporaires, à la même fréquence chaque année, sur les mêmes périodes annuelles, sur un même site et suivant un mode d'organisation identique, ne correspond pas à un accroissement temporaire d'activité autorisant le recours au CDD (Soc. 10 déc. 2008).

 

3. La notion d'accroissement temporaire d'activité
La jurisprudence a infléchi la notion jurisprudentielle dégagée en 2004. Au lendemain de ces arrêts de principe qui consacrait la possibilité offerte de conclure des CDD pour faire face aux variations cycliques de production, la Cour de cassation avait le choix entre deux notions, comme le précisait le conseiller D. Ludet dans son rapport.
 
Soit il appartenait de suivre la voie d'une interprétation large, soit il revenait aux juges de consacrer une approche plus mesurée de la notion de « variation cyclique de production ».
 
C'est l'arrêt du 10 décembre 2008 qui a clairement affiché une volonté de se ranger derrière cette seconde vision des choses, excluant du cas de recours autorisé au CDD les variations si organisées dans leur régularité et si programmées qu'elles constituent non un accroissement temporaire d'activité mais une modalité habituelle de l'activité normale et permanente de l'entreprise.
Les gérants face à ce type de situations doivent donc y penser à deux fois avant d'engager une politique de recrutement en CDD en privilégiant une politique de flexibilité du temps de travail pour éviter du contentieux.

 

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11 janvier 2019 5 11 /01 /janvier /2019 12:09

Si la relation normale de travail est à durée indéterminée, un besoin est né de créer dans certaines branches et certains secteurs d'activité des contrats à durée déterminée.

 

Afin de répondre à certains besoins dans des secteurs déterminés (théâtre), l'ordonnance n°82-130 du 5 février 1982 a introduit la possibilité de conclure des contrats de travail à durée déterminée (CDD) dans certains secteurs pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée.

 

Ainsi, l'article L. 1242-2 3° du code du travail prévoit qu'un contrat à durée déterminée peut être conclu s'agissant d' « emplois pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. »

Le contrat d'usage appelle plusieurs observations liminaires.

Sont exclues de son application les dispositions relatives à la durée maximale (article L.1242-7 du code du travail), à l'indemnité de précarité (article L.1243-10 du code du travail), au délai de carence entre deux CDD (article L. 1244-4-1 du code du travail) et il est possible de conclure des contrats successifs avec le même salarié (article L. 1244-1 du code du travail).

L'ordonnance du 22 septembre 2017 a permis de déroger à ces principes par voie de convention ou accord de branche étendu (durée maximale, indemnité de précarité).

Il est primordial de bien définir les contours du cas de recours à un CDD d'usage afin d'éviter la sanction de la requalification de contrat à durée indéterminée au cas où le motif n'est pas valable.

 

Les cas de recours aux contrats de CDD d'usage successifs

 

A titre préalable, il faut bien distinguer le CDD d'usage du CDD saisonnier.

L'enjeu est important car un motif faux dans le contrat fait courir la sanction de requalification en CDI (article L. 1242-12 du code du travail alinéa 1 : « le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est conclu pour une durée indéterminée »). 

 

Le CDD saisonnier concerne des « emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs (article L. 1242-2 3° du code du travail) ».

Ainsi un CDD conclu chaque année pour une période commençant au premier jour de l'été et se concluant au dernier jour de la saison (21 juin – 21 septembre) est un CDD saisonnier.

De même est un CDD saisonnier un contrat conclu chaque année à des périodes à peu près fixes qui suit non pas des saisons mais des modes de vie collectifs.

Le critère de qualification ne sera donc pas forcément la coïncidence avec les saisons, mais bien la périodicité à peu près fixe du contrat d'une année sur l'autre (exemple : un contrat débutant tous les ans le 1er avril, et se terminant le 15 juin).

 

La validité du contrat d'usage est soumise à deux conditions, la nature de l'activité exercée et le caractère par nature temporaire des emplois concernés (article L. 1242-2 3° du code du travail).

 

Le secteur d'activité concerné

 

La nature de l'activité exercée par l'entreprise qui compte conclure un contrat à durée déterminée d'usage doit concerner un secteur d'activité dans lequel il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée pour certains types d'emplois.

L'activité doit être prévue par la liste donnée par l'article D. 1242-1 du code du travail (exemple : hôtellerie et restauration). Cette possibilité peut également être prévue par accord collectif étendu.

 

Le caractère par nature temporaire des emplois

 

En outre, la loi exige que l'emploi soit par nature temporaire.

La cour de cassation a d'abord écarté cette condition dans quatre arrêts de principe rendus en 2003 (Cass. Soc. 26 novembre 2003, 01-44.263, 01-44.381, 01-42.977, 01-47.035).

Elle estimait que les juges du fond devaient se limiter à vérifier que l'emploi concerne un secteur d'activité pour lequel il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat de travail indéterminée, à moins qu'un accord collectif étendu prévoit cette possibilité. 

La jurisprudence est revenue ensuite sur cette appréciation en jugeant, à l'aune des exigences des clauses 1 et 5 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, qu'il était nécessaire qu'il existe en plus des éléments concrets et objectifs qui permettent de conclure que l'emploi est par nature temporaire (Soc. 23 janvier 2008, 2 arrêts).

Cette solution exigeant un contrôle in concreto respecte les termes de l'article L.1242-2 3° du code du travail disposant que les emplois concernés doivent avoir « un caractère par nature temporaire » et est en accord avec le but d'un contrat de travail à durée déterminée de ne pas avoir pour objet ou pour effet de pourvoir un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

En d'autres termes, lorsqu'un salarié conteste le recours au CDD d'usage, il appartient aux juges de s'attacher à vérifier si, dans les faits, l'emploi concerné par l'embauche ne concerne pas un emploi permanent de l'entreprise, mais bien un travail par nature temporaire (exemple : un cuisinier dans une restauration collective de colonie de vacances).

Dans les arrêts de 2008, la requalification concernait la succession de CDD de journaliste pigiste et un enseignant formateur d'éducation artistique embauché pendant 14 années successives.

 

La validité des CDD d'usage successifs

 

Selon l'article L. 1244-4-1 du code du travail, le délai de carence n'est pas applicable aux CDD d'usage, à défaut de stipulation dans la convention de branche.

La loi n'exclut donc pas de conclure des CDD d'usage successifs avec un même salarié si l'emploi concerné est inclus dans un secteur d'activité pour lequel il est d'usage constant de ne pas recourir aux contrats de travail à durée indéterminée et que l'emploi est par nature temporaire.

Il est ainsi possible d'employer un salarié sur un même poste selon ce mode de recrutement pendant plusieurs années.

La seule limite n'est alors pas de recourir abusivement à ce type de contrats en faisant occuper par le salarié un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Cette solution de principe s'applique aux autres cas de recours, notamment le CDD de remplacement (http://ledroitdutravail.over-blog.com/article-124254609.html).

C'est le cas qui a été pour l'enseignant formateur d'éducation artistique qui a occupé ce poste pendant 14 années successives. 

La cour d'appel avait pu juger ainsi que l'emploi de formateur était permanent eu égard à la fonction.

S'agissant de la journaliste pigiste (autre arrêt du 23 janvier 2008, 06-43.040), la cour d'appel aurait dû vérifier que l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs était justifiée par l'existence d'éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi. 

La fin d'un CDD d'usage, en ce cas, ne donne pas de droit à l'indemnité de précarité.

 

La requalification en relation indéterminée en cas d'abus de recours aux CDD d'usage successifs

 

Le salarié est le seul à pouvoir rapporter la preuve que le CDD d'usage ne respecte pas les règles prévues par le code du travail, le juge ne pouvant soulever d'office ce moyen.

Les cas où un salarié peut donc demander la requalification sont notamment le cas où le CDD ne mentionne pas le bon motif, soit, en l'occurence, l'usage, ou le cas où un contrat de travail est conclu en dehors des cas légalement prévus (notamment par l'article L. 1242-2 3° du code du travail).

Il y a d'autres cas où le salarié peut demander à ce que le contrat soit requalifié, mais l'objet de cet article n'est pas de s'y attarder.

On peut néanmoins évoquer un cas intéressant de jurisprudence récente. Le code du travail prévoit la possibilité de demander la requalification en CDI si l'écrit omet certaines mentions. Ces mentions sont celles qui permettent un contrôle des conditions de fond, à l'opposé de celles qui n'ont qu'un caractère informatif.

Traditionnellement, la mention du poste de travail est une mention de fond dont l'omission entraîne la requalification en CDI. Dans un arrêt du 21 septembre 2017 (16-17.241), la chambre sociale a jugé opportun de dire que l'absence d'une telle mention ne permet pas une requalification-sanction si le poste occupé est par nature temporaire. Le contrôle du juge in concreto n'oblige pas à mentionner le poste occupé. 


Les CDD successifs sont requalifiés en relation de travail à durée indéterminée si l'emploi occupé dans un secteur pour lequel il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée n'est pas par nature temporaire mais voué à pourvoir un travail permanent dans l'entreprise (exemple : un emploi de formateur dans une entreprise de formation).

Les effets de la requalification sont alors nombreux. La procédure se passe directement devant le bureau de jugement qui statue dans un délai d'un mois après sa saisine (article L. 1245-2 al.1 du code du travail).

Le salarié peut demander une indemnité de requalification qui ne peut être supérieure à 1 mois de salaire (article L. 1245-1 du code du travail dernier alinéa).

Il peut obtenir un rappel de salaire au titre de l'ancienneté qui aurait dû être acquise pendant les périodes de non-emploi, une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis ainsi qu'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le recours abusif au CDD d'usage est également sanctionné pénalement d'une amende de 3750 € et d'un emprisonnement de 6 mois et de 7000 € d'amende en cas de récidive (article L. 1248-1 du code du travail).

 

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13 mars 2016 7 13 /03 /mars /2016 14:25
Rupture de la période d'essai : guide pratique

Si la période d'essai est une période pendant laquelle les règles du licenciement ne s'appliquent pas, il faut tout de même faire attention à quelques précautions lorsque l'on envisage une rupture de la période d'essai. Nous allons particulièrement nous pencher sur le moment où elle doit intervenir.

Hors le cas du salarié protégé, quelques règles sont à mentionner :

- Pas de formalisme !

En effet, mis à part le cas d'une rupture de période d'essai pour faute ou pour motif économique, la rupture de la période d'essai n'est soumise à aucun formalisme.

En tant qu'employeur, puis-je rompre verbalement la période d'essai ?
Absolument (Soc. 25 mai 1989). Mais devant les juges prud'homaux, il faudra être capable de le prouver. Face à un salarié qui nie cette notification verbale, des témoignages seront une bonne preuve pour rapporter que la rupture de la période d'essai a été stipulée.

Mais rien de mieux que l'écrit !

Une notification par lettre recommandée avec accusé de réception est idéal sur le plan probatoire.

- Le moment

La question du moment de la rupture de la période d'essai est déterminante, car une fois la période d'essai dépassée, ce sont les règles du licenciement qui s'appliquent. Il faut donc bien faire attention aux règles qui s'appliquent en la matière.

Si la cour de cassation a longtemps considéré que c'est le jour où le salarié avait connaissance de la rupture de la période d'essai qui compte, elle juge désormais que c'est la date d'envoi de la lettre qui constitue le jour de la rupture de la période d'essai (Soc. 11 mai 2005).

C'est donc la date où la rupture est manifestée qui consomme la rupture de l'essai, date à laquelle va s'adjoindre le délai de prévenance.

Que se passe-t-il si le salarié est en congés payés ou s'il a changé d'adresse ?
C'est également la date d'envoi de la lettre qui consomme la rupture de la période d'essai dans ce cas.

Si le salarié est en arrêt de travail, c'est la même règle qui s'applique, en considérant évidemment que la rupture n'est pas intervenue pour la cause de la maladie, mais pour les compétences professionnelles.

Notons que la violation du délai de prévenance n'est pas aussi grave que le moment où intervient la rupture. Si la rupture intervient en violation du délai de prévenance, la rupture se résout en de simples dommages et intérêts, alors que si la rupture intervient ne serait-ce qu'un jour après la fin de l'essai, c'est toute la législation relative au licenciement sans cause réelle et sérieuse qui s'applique.

Exemple 1 : l'essai doit se terminer le 15. L'employeur envoie sa lettre le 14. Le délai de prévenance est violé mais la rupture est encore pendant l'essai.

Exemple 2 : l'essai doit se terminer le 15. L'employeur a envoyé la lettre le 1er. Soit un délai de prévenance de 15 jours. Ce dernier est respecté. La rupture est pendant l'essai.

Exemple 3 : l'essai doit se terminer le 15. L'employeur envoie sa lettre le 16. La rupture qui ne respecte pas le formalisme lié au licenciement est un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Prudence donc, de bien vérifier que le salarié est encore en essai avant de rompre celui-ci et de le faire au bon moment.

De même, notons que l'abus est également réprimé. Une rupture hâtive au bout de 2 jours d'emploi se résoudra elle aussi en dommages et intérêts devant les juges.

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4 décembre 2015 5 04 /12 /décembre /2015 15:10
Port d'un piercing et contact avec la clientèle, licenciement

Un piercing est considéré comme un bijou, à ce titre il peut être enlevé. On peut donc l'assimiler à la tenue vestimentaire, qu'on peut enlever ou adapter plus ou moins à sa guise.

Il se distingue du tatouage par exemple, qui, lui, ne peut pas être enlevé et qui se rattache davantage à l'apparence physique.

La liberté de se vétir est une liberté individuelle mais n'est pas une liberté fondamentale (Cass. Soc. 28 mai 2003 n° 02-40273).

Cela veut dire qu'une atteinte injustifiée à cette liberté est sanctionnée par un licenciement abusif, et non par la nullité de ce licenciement comme c'est le cas quand une liberté fondamentale est atteinte.

En tant que liberté individuelle, oui, elle peut être restreinte par l'employeur, du moment que la restriction en cause est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.

L'employeur a, en effet, le droit de protéger l'image de son entreprise. Ceci n'est pas un droit fondamental de l'employeur comme peut l'être la liberté d'entreprendre par exemple, mais c'est un droit qui peut justifier une atteinte à une liberté individuelle.

L'article L1121-1 nous dit qu'il est uniquement possible d'apporter aux droits et libertés individuelles des restrictions justifiées par la « nature de la tâche à accomplir » et « proportionnées au but recherché ». (Cour d’appel de Besançon, 9 octobre 2009 n° 08/01684)

Il est donc juridiquement possible, en principe, d'apporter des restrictions à la liberté de se vétir, en demandant à la salariée de retirer un piercing trop visible par exemple, quant elle est au contact avec la clientèle.

On l'a vu, le piercing s'assimile à la tenue vestimentaire.

S'agissant de la tenue vestimentaire, la jurisprudence est assez claire, mais elle s'apprécie au cas par cas.

Quand la tenue est incompatible avec les fonctions et conditions de travail (port de bermuda), elle peut être restreinte par l'employeur, qui, en pratique, avertit plusieurs fois son salarié, qui persiste dans l'arborage de sa tenue vestimentaire. (Soc. 28 mai 2003 précité)

Et précisément, quand l'emploi implique un contact avec la clientèle, l'employeur peut interdire à une salariée d'une agence immobilière de se présenter en survêtement, quand il constate que cette salariée est en contact avec cette clientèle (Soc. 6 novembre 2001, n° 99-43.988).

Par extension, on peut admettre logiquement que cette jurisprudence s'applique tout autant à tous les cas où la salarié est en contact avec les clients, comme au moment d'une visite d'appartement par exemple.

Néanmoins, la restriction du piercing n'est pas automatique lorsque le salarié est contact avec la clientèle.

La restriction doit être proportionnée au but recherché et justifiée par la nature de la tâche à accomplir.

Ce qui veut dire que le juge prud'homal, qui vérifiera si cette restriction est justifiée (Cass. Soc. 18 février 1998 n° 95-43491), s'attachera à la clientèle, et particulièrement à la façon dont les clients ressentent le port du piercing.

Ainsi, un arrêt de cour d'appel a pu juger, s'agissant d'un serveur de restaurant, que la clientèle pouvait se satisfaire d'un service assuré par un personnel dépourvu de classicisme (Cass. Soc. 23 juin 2010 n° 08-43866). En l'occurence, l'employeur avait déjà embauché précédemment un homme avec une crète, et ça ne lui avait pas posé de problème.

Dans une autre affaire, les juges ont admis une restriction s'agissant d'une photographe qui portait un piercing et un bandeau parce que la clientèle était attachée à des valeurs traditionnelles, et qu'une telle présentation donnerait une image défavorable dans ce contexte (Cour d’appel de Besançon, 9 octobre 2009 n° 08/01684 ).

Caractère discret de l'ornement ou pas ?

Il y a aussi une autre considération dont les juges tiendront compte, c'est de savoir si le piercing est plutôt discret ou pas. Dans le cas qu'on a évoqué plus haut du serveur de restaurant qui avait été renvoyé, on avait vu qu'il avait un simple piercing à l'arcade sourcillière relativement discret, ce qui contribuait à rendre la directive de l'employeur abusive.

En un mot, il ne faut pas que l'ornement soit incompatible avec l'exécution du contrat de travail.

Sur cette base a été admise une interdiction de porter des piercings pour une salariée d’un parc d’attraction devant porter des costumes d’époque (CA Paris 22e Ch. 03.04.2008-2008-368134)

...ou une crête iroquoise (CA Paris 22e Ch.. 07.01.1988)...

Il faut donc bien adopter une approche au cas par cas. Et si l'ornement apparaît « too much », là il est possible pour l'employeur de demander à son salarié de retirer son piercing, la restriction est justifiée :

  • possibilité pour un employeur de faire la remarque à son apprenti mécanique-carrossier que le piercing n'est pas compatible avec l'activité (Cour d’Appel de Lyon, 6 janvier 2012 n° 11/02286 )

Si la tenue de la salariée laissant apparaître des tatouages est provocante, et clairement incompatible avec l'exécution du travail demandé, l'employeur peut aussi demander d'adopter une tenue adéquate, et après ces remarques procéder à des sanctions disciplinaires :

  • c'est le cas s'agissant d'une serveuse ayant un habillement provocant avec des couleurs vives et laissant apparaître des tatouages (Cour d’appel de Nîmes 10 septembre 2013 n° 12/00015 )

Attention à ne pas fournir un motif discriminatoire

Toutefois, attention, dans la lettre de licenciement, de limiter le motif de licenciement à la tenue vestimentaire, et rien qu'à cela.

Il faut que le motif soit un manquement au fait de ne pas avoir une tenue sobre pour le travail, adéquat au contact avec la clientèle.

Si la réprimande se rattache à un reproche sur l'apparence physique, elle est prohibée au titre de l'article L1132-1 du code du travail, qui voit cette cause de licenciement comme un motif discriminatoire : « aucune personne ne peut faire l'objet d'un licenciement » ou autre sanction disciplinaire sur le motif « de son apparence physique ».

Ainsi la lettre de licenciement ne doit pas dire, en somme, que le licenciement intervient en raison d'une boucle d'oreille alors que « vous êtes un homme ». Elle ne doit pas rattacher le port du piercing à la personne elle-même.

La restriction doit se limiter, comme on l'a vu, à mentionner que le port du piercing est contraire à l'exigence d'une tenue sobre.

Conseil préalable : Mentionner l'exigence dans le règlement intérieur

Mais, ce n'est pas tout. Il faut entourer cette mesure d'un préalable. Il est nécessaire et indispensable de mentionner la restriction dans le règlement intérieur. L'interdiction de piercing trop visible par exemple devra être mentionnée pour l'objectif de préserver l'image de l'entreprise dans le contact avec la clientèle.

Faut-il un règlement intérieur pour une entreprise avec 1 seul salarié ? A vérifier...

Quid de la procédure de recrutement ?

On ne peut pas traiter la question du licenciement, sans évoquer la question de l'embauche.

L'article L1132-1 cité plus haut évoquant lui-même l'idée que nul ne peut être « écarté d'une procédure de recrutement » pour un motif discriminatoire, de manière directe ou indirecte.

S'agissant de l'apparence physique, la question est facile : peut-on écarter un candidat pour son apparence ? La réponse est non.

Pour un piercing, car c'est de l'ordre de la tenue vestimentaire ? La question peut se poser. Elle se posera toutefois difficilement, car très difficile à prouver. Difficile d'établir, en effet, que l'embauche a été refusé sur le motif du piercing. L'employeur a sa liberté de choisir ses salariés, sur la base de son pouvoir de direction.

En tous les cas, il sera plus facile, à l'embauche, d'écarter un candidat pour son manque de compétences et d'adéquation au poste, sans rentrer dans une considération vestimentaire.

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